Je vais vous dire un secret… être autiste, ça devient tout à coup beaucoup moins pesant quand on a le droit.

Le droit d'être soi

Je ne dis pas que l’ensemble du défi s’est volatilisé vers un monde parallèle rempli de Bisounours, mais je dois avouer que souvent, avec la permission d’être moi, je trouve ça moins lourd.

J’ai mon fils, qui passe derrière moi et qui lit cette phrase, ce titre, en grimaçant et qui dit, Comment ça t’avais pas droit ? T’avais le droit il me semble ! Dans sa tête, ça n’existe pas de ne pas pouvoir être comme on est. Pour lui, c’est une évidence. Mais pas pour moi. D’accepter de ne pas me battre contre l’autisme, mais plutôt de travailler de concert avec lui, de réaliser qu’il fallait d’abord que je m’aime comme je suis, ça reste un concept nouveau de cette année.

C’est fou quand même de constater que j’ai mis des énergies incroyables à m’assurer que mes enfants ne musèlent pas leur moi authentique, que j’ai passé autant d’années à mettre l’emphase sur leur capacité à avoir une bonne introspection, à les pousser à découvrir ce qu’ils aiment pour vrai, sans être influencés par les autres… pour m’assurer qu’ils ne passent pas à côté de quelque chose de spécial, cette personnalité bien à eux que trop de gens tardent à connaitre… Pourtant, de mon côté, je ne réalisais pas que j’oubliais que je pouvais aussi le faire. Pas fort mon affaire.

C’était un peu du Fais ce que je dis, mais ne fais pas ce que je fais... Puis là ça change. Oh la la ! Mais avoir su avant !!! C’est tellement plus simple ! Moins de tataouinage*, moins de lourdeurs inutiles, un paquet de situations immensément énergivores deviennent tout à coup dépossédées d’une grande partie du problème. Ça ne règle pas tout et je ne vais pas me transformer en neurotypique, je vais conserver mes obstacles, mais au moins, je ne vais pas m’ajouter une poche de sable sur chaque mollet et un sac à dos plein de roches pour me ralentir.

Le mentionner. L’expliquer. Le nommer. C’est dédramatiser et c’est se faire comprendre.

Coiffeuse prise 3.

Bon, on le sait, aller chez la coiffeuse, on est plusieurs à trouver ça vraiment pas évident. Grrr, que c’est désagréable d’aller se faire taponner de la sorte, je l’ai écrit dans un précédent article… mais le deuxième vrai problème, en plus de tout ce proprioceptif qui assiste au festival de l’angoisse,  c’est que je me sentais tout le temps coupable. La pauvre coiffeuse était super mal, bien au fait que j’étais inconfortable, complètement au courant que je souffrais, la certitude était palpable, alors moi, je m’inquiétais. Je constatais ses efforts et je me savais désagréable sans possibilité d’agir autrement. Un jour, j’ai emmené mon fils avec moi et il m’a demandé pourquoi j’étais fâchée ! Je ne le suis pas (fâchée)… je suis mal ! je me débats, tu comprends ?- que j’ai répondu.

Alors à chaque fois c’était un désastre. Inconfort + sensation d’être un problème ambulant, il n’y a rien de constructif là dedans. Alors savez-vous quoi ? Je lui ai dit à la coiffeuse.

On était toutes seules, elle était hyper mal à l’aise, ne me disait plus un mot parce que toutes ses tentatives frappaient un mur, je n’avais pas accès à moi, puisque les informations du corps et des sens prenaient toute la place. Bouchon de circulation interne. J’ai donc attendu un moment calme, de silence, qui ne pue pas… un moment d’attente pour la coloration bleue. Et j’ai juste dit, en retenant mon souffle… Est-ce que tu sais c’est quoi l’autisme?

Elle ne fit ni une ni deux, elle prit sa chaise juste à côté, s’installa immédiatement et en une fraction de seconde, son stress est parti voir ailleurs. Elle a écouté. J’ai expliqué. Je lui ai fait lire mon texte et elle s’est sentie toute drôle d’en faire partie, elle l’a dit.

Maintenant, quand je me tortille sur le banc durant le lavage elle ne me demande pas plein de fois si je suis confortable.

Maintenant, quand je grimace à cause de l’odeur ou du bruit, elle ne cherche pas à interagir, ce n’est pas le bon moment.

Maintenant si je place mes écouteurs avec de la musique à tue-tête, elle ne croit pas que je la boude ou que je suis méchante, elle sait.

Maintenant, si je lui demande un rendez-vous à une heure hyper tranquille, elle saisit exactement ce que je tente de dire.

Maintenant, je peux m’occuper de moi sans en plus culpabiliser pour rien.

Bon, rien n’est parfait… la dernière fois j’attendais sur le banc et elle approcha par la gauche, tout doucement, tout lentement  et me dit juste Je vais vérifier… et moi j’ai reculé, Mais elle veut quoi elle ? Puis plus elle avançait, plus je reculais, ça m’a pris plusieurs secondes pour comprendre qu’elle voulait vérifier ses petits papiers d’aluminium et non pas se rapprocher comme ça, sans raison. Ha ha ! Rien n’est totalement magique, la communication n’est pas encore au point, mais maintenant, je trouve ça moins difficile (un peu).

Un étrange bruit joyeux

Avant-hier j’étais contente très très fort d’avoir compris un nouveau truc sur mon appareil photo, le résultat était superbe, vraiment… alors de moi est sorti un espèce de son à répétition, très étrange, quasi guttural. Après je me suis entendue. J’étais mal, je me sentais stupide. Lorsque je cesse de me surveiller, quand je relâche la paranoïa sur mon cas, ça sort tout seul parfois. Je l’ai dit, Ha ! il faudrait vraiment que je ne fasse pas ce son-là ! Là-dessus, mon opinion n’est pas nette. Ce son n’est clairement pas socialement acceptable, mais advenant que je le filtre, je me restreins, je m’empêche d’exprimer ma joie comme elle sort… Est-ce que ce n’est pas comme empêcher quelqu’un de faire son flapping ou de se balancer ? Permettez-moi d’y réfléchir encore…

Accommodements plus qu’aidants

J’étais à l’hôpital l’autre jour pour une petite intervention et je sentais la panique pointer son nez. Le soluté me faisait me sentir prisonnière, les méchants néons me bouffaient les neurones et la jaquette n’était clairement pas le choix de tissu le plus doux du monde. Chaque petit muscle était raide comme une barre de fer, je n’arrivais pas à répondre avec plus que des onomatopées, et encore là… mais le personnel médical était adorable. C’était visible que j’étais en détresse, encore en contrôle, mais avec la respiration superficielle et de la difficulté à m’exprimer. Les couvertures n’étaient pas assez lourdes, les bips, les odeurs médicales et le squouitch, squouitch des chaussures d’une infirmière prenaient de plus en plus de place dans mes chemins cérébraux… ça s’annonçait mal. J’ai donc suivi le conseil de l’amoureux, j’ai pris tout mon courage et j’ai obtenu, un grosse couverture et surtout, le droit de conserver, pour me rendre au bloc, mon petit iPod et mes lunettes !!! Oui, oui.

Exemples mélis-mélo…

  • Mes amis n’essaient pas de me toucher ou de m’attaquer physiquement.
  • Je peux prendre ma douche aussi souvent que je veux même si on est au beau milieu d’une situation sociale.
  • On rigole avec mes drôles de passions (les pois, les lignes, les dés, le vert et le bleu…).
  • On respecte mes particularités qui ressemblent à des obsessions (ma place, l’emplacement des objets, symétrie, etc…).
  • On me laisse pleurer aussi souvent que j’en ai besoin, ou presque… parce qu’après ça va mieux, mais pour moi certains défis sont juste… trop.
  • On ne s’offusque pas que je m’isole en plein milieu de n’importe quoi, et n’importe quand, parce que sinon, de toute manière, c’est ennuyant une fille qui laisse son corps sur place pour se balader ailleurs… les gens aiment mieux une personne qui prend le temps plein de fois de se recentrer, parce qu’ensuite, elle est plus disponible.
  • On me pardonne vite, si je dis un truc insultant, on me laisse réparer, préciser, reformuler parce que souvent, entre ce que je tente de dire et ce qui est compris, il y a un monde de différence.
  • On me donne un conseil lorsqu’on constate que je ne suis plus disponible et que je ne sais même plus ce que mon corps me dit. Va chercher tes pinces, monte le chauffage, va prendre encore une douche, mets ta casquette, va à l’ombre… et on prend ça en riant.

Bref, on me donne le droit, je me donne le droit, tout gentiment, et ça, ça fait une méchante belle différence pour moi.

Conclusion

Je suis consciente que ce n’est pas toujours possible, pour ces beaux exemples je ne cite pas les miles échecs, toutes ses fois où les mots n’ont jamais voulu sortir. Mais à chaque petite permission que je me donne, à chaque personne de mon entourage et avec qui j’aurai à interagir qui saura, qui comprendra, ça va me faciliter la vie.

Bientôt le club photo va reprendre ses activités. J’ai une peur bleue. J’ai été active cet été sur le groupe Facebook du club, toute normale, toute participative. Mais l’été a passé et j’ai peur d’avoir oublié comment faire pour ne pas être miss fantôme. Si je veux faire honneur à ce texte, il va falloir que je tente de me donner le droit. Le droit de gaffer, le droit d’être craintive, le droit de nommer ce que je ressens quand c’est trop… J’ai hâte, puis pas. Mais ça vaut la peine. Il n’y a personne qui me dit : Hey !!! T’as pas le droit. Va-t’en ! On est plus dans les années 80, on est plus à la petite école. Si je ne me donne pas ici et maintenant la permission, personne ne va le faire à ma place.

Un petit Bonne chance, ça va aller ! pour moi ? Merci.

*Tataouinage – Tergiversations, hésitations, attachement aux détails futile.

BONJOUR!

Je suis Valérie Jessica Laporte. Bienvenue dans mon univers autistique.

Femme blanche autiste souriante avec lunettes bleues et tresses bleues

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