Silence aux autistes ! Et aux autres « différents » aussi, tant qu’à y être…

Vous êtes autiste ? Vous connaissez probablement cette situation. Devant un désaccord, l’interlocuteur présente un argument, et lorsque la parole devrait être à vous, pour présenter le vôtre, qui est, dans la plupart des cas un fait logique, la personne vous intime l’ordre de vous taire.

Ça suffit, je ne veux pas t’entendre. Tais-toi. Non, ne parle pas., sont des phrases qu’on reçoit régulièrement.

Pourquoi est-ce que les « normaux » se sentent tout à fait à l’aise de faire preuve d’autorité envers nous ? Ils n’oseraient pas traiter leurs pairs ainsi. À ceux qui pourraient penser que c’est relié à la façon dont le cerveau autiste est conçu, sachez que les personnes en fauteuil roulant vivent exactement la même expérience. La réponse est donc, logiquement, ailleurs.

Mise en contexte

Ce texte m’est inspiré par la dernière situation vécue. Je pratique un sport de raquette, le pickleball. Ma partenaire de jeu a effectué un excellent coup, cela nous donnait un bel avantage. Malheureusement, au même moment, une balle en provenance d’un autre terrain s’est retrouvée tout juste derrière notre adversaire. Les règles, et l’éthique de jeu sont d’annoncer un arrêt de jeu, jusqu’à ce que le terrain soit à nouveau sécuritaire. Effectivement, reculer sur une balle peut causer une chute avec de sérieuses conséquences. On est régulièrement sensibilisé à cette règle, elle est incontestable. Je n’allais certainement pas, dans l’espoir de faire un point, mettre à risque mon adversaire. J’ai donc arrêté l’échange.

Mécontente, ma partenaire a protesté, alors j’ai répondu que c’était le règlement. Elle a proposé un argument, et je souhaitais répondre avec un contre-argument, mais lorsque j’ai voulu le faire, elle m’a ordonné de me taire. Ce n’était pas une proposition, c’était un ordre. Le ton ? Celui d’un parent impatient envers son enfant, ou d’un professeur exaspéré. Pas du tout le ton d’une adulte envers une autre adulte. Et devant mon silence, celui qu’elle avait demandé, elle m’a mentionné que peu importe ce que je dirais, ça ne changerait rien. La valeur de mes mots pour elle ? Aucune.

On me donne régulièrement des ordres. Certaines personnes pensent que je leur dois obéissance. Malheureusement, ou heureusement (parce que ça évite les conflits), ça fonctionne. Je me tais immédiatement. Elle a imposé son autorité.

Une personne a fait la différence

Habituellement, une fois dans le véhicule ou chez moi, je me sens humiliée et diminuée, j’ai pleinement conscience du traitement différent et ça m’affecte beaucoup, mais cette fois, un élément nouveau s’est présenté, qui a tout changé. Quelqu’un est venu me voir. Effectivement, les gens ont été témoins de la scène. On m’a dit que c’était inacceptable et que si quelqu’un osait un jour leur parler de cette manière, ça allait brasser pas mal plus que ça.

Wow.

C’est grâce à cette personne que je suis retournée chez moi sereine. Contente de mon calme, mais bien décidée à comprendre pourquoi les autistes, les malentendants, les gens avec un handicap moteur, les gens de petite taille, et les gens vulnérables, pour ne citer que ceux-ci, se font infantiliser de la sorte !

Patronizing

Le terme anglais pour désigner le fait de traiter avec condescendance les personnes handicapées est « patronizing ». Ce mot décrit l’attitude de supériorité et de condescendance envers les personnes handicapées, où leurs capacités sont sous-estimées ou leurs contributions sont minimisées.

C’est là que ma recherche m’a menée. J’ai un mot à mettre sur cette situation, patronizing, ou condescendance. Mes proches ne font jamais ça, ils connaissent la valeur de mon jugement et mes amis arrivent à argumenter sans tomber dans cette technique. Mais pourquoi, pourquoi les gens qui me connaissent juste assez pour savoir que je suis différente se permettent ce comportement ?

On sous-estime les gens différents

Beaucoup pensent que nos défis touchent à toutes les sphères. On sous-estime donc l’ensemble des capacités des personnes autistes. Nous sommes injustement perçus comme étant moins capables de comprendre ou de respecter les règles ou moins aptes à contribuer de manière significative à une discussion ou à une prise de décision. Ces stéréotypes et préjugés peuvent conduire à des comportements discriminatoires ou à un traitement inéquitable, où les contributions d’une personne autiste sont ignorées ou minimisées.

Je connais mes défis et si je ne suis pas en surcharge sensorielle, j’ai accès à un excellent jugement, au-dessus de la moyenne et guidé par la logique. Mon jugement est neutre. Désirer gagner n’affectera jamais ma prise de décisions. Je ne mettrai pas en péril la santé d’autrui pour un jeu. Mon opinion est donc non seulement valide, dans ce contexte, elle est incontestable. Et pourtant on me dit : Non, ton opinion n’a pas sa place.

Dynamique de pouvoir

 Certaines personnes peuvent utiliser leur position, réelle ou perçue, pour imposer leur volonté aux autres, surtout si elles considèrent que leur interlocuteur est dans une position de vulnérabilité, comme une personne ayant un handicap.

Les personnes en position d’autorité ou celles qui se perçoivent comme étant « supérieures » peuvent penser qu’elles ont le droit de dicter les règles de conduite ou de communication. C’est pour ça qu’elles croient qu’il est acceptable de nous donner l’ordre de nous taire.

Les conséquences pour les autistes

Il est déjà difficile pour les personnes autistes de naviguer lors des interactions sociales, donc lorsqu’on leur ajoute cet obstacle, beaucoup se sentiront marginalisés ou impuissants. Certains vont choisir la fuite ou l’évitement, préféreront rester seuls, d’autres ne seront pas capables de défendre leurs droits et cela peut les amener à supporter des situations d’abus parce que, à force, on s’habitue à ces comportements. On se dit, c’est peut-être de ma faute ? On n’est pas fou, on le voit bien que ça n’arrive pas aux autres.

Mon amoureux m’a dit : Personne n’a jamais osé me parler comme ça ! Et mon fils a dit que s’il avait été à côté, elle n’aurait pas osé. Mon amoureux et mon fils ne sont pas autistes.

Quoi faire ?

La première règle est d’en prendre conscience. De réaliser avec neutralité, d’un œil extérieur, ce qui se passe. Ensuite, il faut, avec du recul, comprendre ce qui s’est passé pour bien identifier la dynamique.

Certains diront que j’aurais dû répondre. J’avais une réplique cinglante et efficace en tête. La voici : Je ne suis pas assez égoïste au point de mettre l’adversaire en danger pour un point. Elle était prête ma réplique, bien au chaud. Mais je suis contente de l’avoir gardée pour moi.  Elle n’aurait servi qu’à me donner raison et à détruire l’interlocutrice. Et l’émotion que cette phrase un peu… méchante aurait provoquée chez moi m’aurait mise à risque de crise. J’ai décidé de me taire.

Ce qui est primordial, impératif, c’est de garder en tête que ce comportement est inacceptable et que ce n’est absolument pas de notre faute, ni de près ni de loin. Ce qui est essentiel c’est de garder confiance en nous et en notre jugement pour que même si on a décidé de se taire, on connaisse notre valeur. Et ce qui est non négociable c’est de s’entourer d’amis qui nous reconnaissent à notre juste valeur et qui ne se placent pas artificiellement, en position d’autorité face à nous. Si on comprend bien, si on sait que c’est mal, on va être capable de maintenir une bonne estime personnelle.

La personne, témoin de la scène, qui est venue me voir, a eu un impact majeur sur ma réaction après coup. Immense merci à toi.

Note.

Bien que ceci arrive fréquemment, c’est quand même une minorité des personnes qui agit ainsi envers les personnes différentes. Dans une journée, on en croise beaucoup des humains !!! Alors il s’agit qu’une personne sur 20, disons, se permette ce comportement, pour qu’on ait à le vivre régulièrement. Dans la plupart des cas, de plus en plus, la société s’ouvre sur la différence.

BONJOUR!

Je suis Valérie Jessica Laporte. Bienvenue dans mon univers autistique.

Femme blanche autiste souriante avec lunettes bleues et tresses bleues

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