Comprendre qui on est dans un monde plein d’attentes neurotypiques.

Comprendre qui on est dans un monde plein d'attentes neurotypiques.

Se connaitre quand on est différent… bonne chance.

C’est déjà difficile pour la population plus « typique » de se connaitre, mais si tu es un  « pas pareil », un.e autiste, alors là, tu pars de loin. Tout.e petit.e, on te reproche tes gestes naturels, on te prête des intentions que tu n’as pas, on te croit souvent méchant.e ou insensible à tort parce que tu sais mal gérer les interactions, on tente de te mouler et on t’accuse des pires défauts. Tu fais honte aux tiens et tu déçois, souvent. Donc, regarder à l’intérieur de toi pour trouver le beau, ce n’est pas tant dans tes priorités. Tu te donnes quelques objectifs de base pour t’auto convaincre que tu n’es pas « si pire que ça », pour gagner un peu en estime et tu grandis en passant complètement à côté de ce qui t’importe vraiment. C’est comme ça que je l’ai vécu.

Manuel de réparation d’une autiste.

Mais cet été, comme certains le savent, j’ai rencontré des difficultés importantes, ce qui a tout cassé mon esprit. J’avais la tête éparpillée et pour m’aider à remettre de l’ordre dans tout ça, je travaille maintenant avec une psychoéducatrice. Il parait que j’ai fait une rupture de fonctionnement ou un truc du genre. Trop de changements en même temps pour ma rigidité cognitive, ça m’a complètement désorganisée et j’ai craqué. Mais il n’y avait pas que ça, en dedans, il y avait une guerre épouvantable dont je n’avais pas conscience.

La guerre des valeurs.

Si tu me demandais quelles étaient mes valeurs, je te répondais (sans y réfléchir), la famille, l’honnêteté et d’être vaillante. Je disais la famille en premier, parce ce que je veux être une bonne personne… mais la famille, ce n’est pas une valeur, c’est un contexte dans lequel on est libre ou pas d’y appliquer nos valeurs.

Comme je ne les connaissais pas, sans le comprendre, j’entrais en conflit avec mes valeurs, mes vraies, pas la petite liste de trois que je sortais sur demande… mes vraies de vraies valeurs. Celles que je ne connaissais même pas. Ça m’a tellement aidé à faire le point qu’il faut absolument que je vous le partage. Au cas où il vous prendrait l’envie d’aussi lister vos valeurs.

Comment ça fonctionne les valeurs et pourquoi mieux les connaitre?

Si nos décisions et gestes sont en accord avec nos valeurs au lieu de nos émotions, sur le long terme, on va être plus heureux. Ça compte envers soi et envers les autres puis ça bouge dans le temps. Il parait que c’est comme ça que ça fonctionne. Donc, je pense, que peut-être… oui, la psychoéducatrice avait raison, connaitre mes valeurs c’était une potentielle bonne idée. Alors elle m’a proposé une liste* de 58 d’entre elles. Je devais leur donner une importance (entre A et C). Ensuite, je devais épurer la liste des valeurs A et par élimination, je devais conserver les six plus importantes pour moi. Ça oblige à réfléchir à ce qu’on ressent pour vrai, pas juste aux attentes des autres, mais à nos propres moteurs. Puis mes valeurs, au fait, ne sont pas exactement celles que je pensais. Honnêteté est encore là, mais je l’ai reculé en sous-catégorie, parce qu’en fait, c’est l’authenticité qui me tient vraiment à cœur. Le reste suit… si on est authentique, on est honnête.

Résultat d’un tout petit morceau de mon tableau dans iThoughts :

Puis là, j’ai compris pas mal de choses.

Authenticité et liberté.

Si je recule de quelques années, à part avec mon amoureux, jamais, jamais, jamais, je ne pouvais être vraiment authentique et libre. C’était le seul qui y avait accès.

Maintenant, je peux avec d’autres personnes puis j’ai enfin des amies très proches qui m’aiment pour la vraie de vraie moi. C’est capoté. J’adore ça. C’est carrément devenu mes valeurs principales. Être vraie et être libre.

Je tisse des liens, j’interagis, je vis de belles choses, je rencontre des personnes extraordinaires et j’ai moins peur d’exister. Jamais je n’aurais pu avoir ça sans être authentique.

Le dilemme problème.

Ça, c’est bon partout sauf… Sauf dans les contextes dans lesquels j’étais «fonctionnelle» avant de changer. C’est traitre comme effet, parce que ça me place dans un état de stress intense, dans lequel je dois taire certains de mes progrès, pour ne pas trop laisser paraitre mes stéréotypies, manies, ou besoins, de peur qu’on me reproche que le diagnostic m’ait «empirée.» C’est complètement stupide et contreproductif. Il faut que je fasse semblant. Il faut que je retourne à mon mutisme, mais moi, j’aime trop ça exister, sauf que lorsque j’existe pour vrai, mes «traits» sont plus marqués et aussi, je suis moins tolérante aux stimuli envahissants.

Ça me met tellement de pression en dedans cette guerre en moi, que lorsque mon malaise veut sortir, ça sort tout croche et je suis limite « agressive » dans mes réponses. Avant, si ça n’allait pas, je me réfugiais la plupart du temps dans le mode « je suis un zombie et je n’existe plus », mais là je nomme les choses. C’est bien. Petit hic, je les nomme absolument n’importe comment, sans le filtre, sans le tact. C’est un désastre à chaque fois.

Les deux côtés de la médaille c’est : moi qui veut exister mais qui par la force des choses, ai des défauts qui viennent avec sa présence, et de l’autre côté, des personnes qui n’avaient aucune idée de ce que je vivais avant et qui ont juste l’impression que j’ai des nouveaux défauts. Ce qu’ils ne comprennent pas c’est que j’étais juste « fonctionnelle ». Je n’étais même pas présente à 10 %… Et là je me mets une pression énooooooorme pour être correcte ce qui me rend à fleur de peau.

Comme je ne sais plus quoi faire de ce dilemme, je me suis donné un seul objectif raisonnable pour l’instant. Tenter de nommer les choses plus doucement. Attendre s’il le faut, mais parler plus gentiment lorsque je vais mal. Ça va au moins me sauver du problème «les gens sont fâchés parce que t’es bête comme tes pieds».

Mais là au moins j’ai compris ce qui me faisait autant de peine. Saleté de dilemme.

Créativité, enthousiasme et perfectionnement

Aucun problème ici, que du beau. D’en avoir pris conscience a juste amélioré un paquet de détails de ma vie courante.

Plus que jamais j’ai envie de participer activement, de savourer puis je ne savais pas que c’était une valeur, je pensais que c’était une qualité. J’ai envie de partager au monde entier sur mes intérêts spécifiques, sur mes projets, sur l’autisme, sur la photographie… c’est génial.

Je veux être mieux. Je suis passé à côté de trop de choses trop longtemps. je veux m’améliorer et profiter de mon plein potentiel qui dormait, inutile… je ne pensais pas que j’en avais la possibilité, maintenant je sais que oui. Pour ces trois valeurs-là, il n’y a aucun effet secondaire indésirable.

Humour

La petite dernière, la valeur surprise dont je n’avais pas réalisé la puissance. Celle qui me permet de rire de mes particularités et de dédramatiser mes épreuves. Celle qui me réveille à petites doses d’adrénaline et qui me met toujours au défi, parce que je la comprends mal chez les autres. Celle qui est si présente chez mon amoureux et mes fils. L’humour…

La semaine dernière, un matin, l’amoureux m’a ramené à mon véhicule que j’avais laissé dans un stationnement (vin oblige). Et il (l’amoureux), n’est pas reparti tout de suite. Je ne comprenais pas pourquoi il me regardait déglacer et déneiger avec ce petit sourire en coin qui n’annonce habituellement rien de logique… Lorsque j’ai eu terminé, au moment d’embarquer, mon alarme s’est déclenchée. Il a commencé à rire comme un fou et il s’est sauvé. Moi, complètement paniquée (vous savez bien l’effet que mon font les sons), je n’arrivais plus à l’éteindre. J’essayais n’importe quoi, même de rouler, rien n’y faisait. Je l’ai appelé en lui chantant un paquet de bêtises (parce que c’est lui qui l’avait déclenchée à distance), mais il riait tellement qu’il n’arrivait pas à me répondre. Entre deux spasmes, il a fini par lâcher : «Pèse sur le bouton rouge ! », ce qui a mis fin à l’alerte générale dans un quartier endormi tôt le matin… tout ça pour dire que si je n’avais pas humour dans mes valeurs, ce n’est pas cet amoureux-là qu’il m’aurait fallu.

Son humour, malgré cet exemple absurde, est ce qui me permet le plus de laisser le champ libre à mes autres valeurs, il me laisse être authentique parce qu’il trouve drôle mes manies, il me laisse exprimer ma créativité même quand ça a «l’air fou», comme avec certains vêtements. Puis il me permet de demeurer enthousiasme parce que notre sens de l’humour nous permet d’anéantir les freins des «qu’en-dira-t-on ?». Ça ne fonctionne pas partout, mais souvent.

Qu’est-ce que ça donne maintenant ?

J’ai regardé ma vie, mes relations, mes activités, mes actions et je me suis demandé ce qui n’était pas en phase avec mes valeurs et qu’est-ce qui l’était. Dans un immense tableau, j’ai attribué des drapeaux de couleur à chaque valeur et ça m’a permis de faire un bilan de ce qui va et ce qui ne va pas.

J’ai réalisé à quel point les personnes très proches de moi répondaient à mes valeurs, aux six. Puis on dirait que ça m’aide à les apprécier encore plus. Amie magique, amie sagesse, vous avez les six drapeaux dans mon tableau…

J’ai compris que liberté et authenticité m’ont manqué bien trop longtemps. On a tellement voulu me mouler à être normale que là, j’en ai comme une soif insatiable. Des fois c’est trop et ça attaque les autres, je vais devoir essayer de trouver l’équilibre là dedans… Comme c’est dans les deux sens que ça se passe, j’ai aussi compris qu’on ne pouvait plus faire de camping. Avant c’était parfait pour passer du temps en famille, mais avec les enfants qui ont grandi, je brimais leur liberté et leur enthousiasme (entre autre face aux congés).

J’ai réalisé que mon nouvel horaire de vie et certains changements récents on aussi affecté liberté, ce qui me rendait bien trop tendue. J’ai compris pourquoi certaines rares personnes n’aimaient pas authenticité et pourquoi ça me rendait profondément triste. J’ai compris que leurs valeurs (très importantes aussi) entraient en conflit avec celle-là et que ce n’était pas de ma faute (ni de la leur). L’amoureux a embarqué dans le processus et on a regardé pour bien réajuster tout ça. Ensemble, en équipe. Puis je vais laisser un peu plus de place à enthousiasme et créativité, parce qu’ils n’impliquent aucun désavantage, que du bon. Pour humour, c’est surtout d’essayer de ne jamais l’oublier. Il est trop utile.

Ça, c’est ma petite analyse à moi. Mais si vous voulez faire l’exercice, c’est tant aidant, je vous y encourage fortement. Ça m’a permis de faire le point et de redéfinir mes priorités.

Prochaine étape, elle veut me faire prendre conscience de mes schémas…. pas certaine que ça me tente… On verra.

* Clarification des valeurs (Tiré du livre : Le grand saut : de l’inertie à l’action de Russ Harris)

BONJOUR!

Je suis Valérie Jessica Laporte. Bienvenue dans mon univers autistique.

Femme blanche autiste souriante avec lunettes bleues et tresses bleues

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