Pauline savait qu’elle n’était pas cinglée, néanmoins, un mystère flottait dans l’air de sa cuisine… À chaque fois qu’elle voulait se servir de son papier d’aluminium pour ses recettes, il n’en restait plus. Elle était pourtant certaine de maintenir des réserves adéquates, mais rien n’y faisait, elle était toujours à court. C’était plus qu’étrange…
Jusqu’à ce jour où elle entra dans la chambre de son fils de sept ans pour tomber face à face avec un monstre ! Un dinosaure, plus précisément un Brachiosaurus …. en papier d’aluminium. Elle venait de découvrir un indice majeur dans la résolution de ce mystère.
Notre jeune sculpteur se nomme Alexandre et il est autiste. Il est artiste aussi. Il dessine et il sculpte, mais la pâte à modeler, pour lui, c’était bien trop salissant et la texture ! Oouhaaa ! On n’en parle même pas. Ce n’est pas avec ça qu’il pourrait explorer le plaisir de créer. Niveau sensoriel, la plasticine, on aime ou pas, mais disons que ce mélange de cire et d’huile n’était pas vraiment adéquat pour un jeune Alexandre pour qui il était primordial de garder les doigts propres. Étant aussi une autiste, je comprends ! Hypersensibilité sensorielle, quand tu nous tiens. Rire.
Voilà donc notre Pauline pour qui le mystère s’éclaire… Mais le papier d’aluminium, ça coûte cher, on fait quoi ? De ce que j’ai compris, elle ne s’est pas vraiment posé la question, puisque comme elle m’a mentionné, peu lui importe les tenues onéreuses et les bidules de luxe, pour elle, la priorité, c’est de rendre son beau Alexandre heureux. Vous savez quoi ? Moi j’ai bien l’impression que ça fonctionne.
Pour les besoins de la photo, j’ai voulu tourner une partie des papiers d’aluminium. Doucement, mais clairement, Alexandre les a remis bien droit, ce à quoi j’ai répondu : Je te comprends !
Spécial aussi parce qu’Alexandre, il maitrise les choses en 10 jours. Comme un processeur avec sa propre vitesse d’assimilation. Que ce soit des apprentissages plutôt simples pour les neurotypiques (non autistes) ou des concepts plus élaborés, c’est en 10 jours que notre charmant jeune homme absorbe et digère correctement les nouvelles données. La propreté, un nouveau jeu vidéo, comprendre le concept d’un film vu…
Lorsqu’on a tenté de lui apprendre qu’il était canadien et québécois, les dix premiers jours il se disait Bequécois, ce à quoi son papa blagueur, Roger, répliquait qu’il était chinois. Par sa faute (humour), cela a pris un autre 10 jours à être saisi.
Alexandre a maintenant 15 ans. Cette année, il a vécu quelque chose de beau, on a remarqué ses œuvres pour le festival Un talent pas si différent. Il a eu le privilège d’exposer. Ce genre d’initiative positive, c’est souvent un levier pour la valorisation et la motivation de la personne différente.
C’est en voulant photographier ses sculptures que j’ai fait la découverte de cette super famille. Habituellement, je me sens presque toujours assez mal dans un nouveau lieu, tout est anarchiquement configuré, les choses sont agressantes, les gens imprévisibles, parfois envahissants. Mais cette fois non. La maison au bord de l’eau et les parents d’Alexandre chaleureux, calmes…, ils n’ont même pas tenté de me faire un câlin, youpi !!! C’est comme s’ils sentaient que pour moi c’est trop.
Bien entouré, aimé, à l’école comme à la maison… je pense bien que tout est en place pour que ce jeune humain s’épanouisse encore.
Bonne vie Alexandre, je te souhaite d’accéder au plus beau de toi.