Vous allez peut être trouver que j’ai une grosse semaine. Bien, moi aussi. Ce n’est pas peu dire. Lundi le dentiste (d’ailleurs j’ai encore mal au poignet gauche d’avoir trop serré ma cuisse durant le traitement), mardi la psychologue et aujourd’hui allons-y pour un bon stress bien senti, je passe la journée à l’hôpital avec ma grande fille pour une intervention mineure. Avertissement. Malgré le mot hôpital dedans, ce texte ne contient aucune scène de drame.
La grande fille
Autour de moi gravitent quatre personnages principaux. Conjoint, ado, grande fille et grand garçon. Comme il semblerait que je trouve bien du plaisir à composer des textes pour ce blog, je vais tranquillement intégrer les différents acteurs de mon environnement au récit. Aujourd’hui on parle de grande fille. Préférant ne pas la nommer par souci du respect de sa vie privée je tente de lui donner un petit nom mignon, un peu à la manière des scouts. Papillon travaillant ? Fourmi curieuse ? Abeille généreuse ? Je ne sais pas trop. Un seul nom ne peut décrire l’ensemble de sa personnalité. J’opterai donc simplement vers de choix de l’appellation grande fille. C’est le cas, elle est grande, même si elle est toute petite puisqu’elle est déjà au secondaire et aujourd’hui, elle passe la journée à l’hôpital pour une petite intervention.
Ça fait des jours qu’elle stresse avec ça et qu’elle me rabâche les mêmes questions en boucle. Quand je traite une fois une réponse j’ai légèrement tendance à ne pas avoir particulièrement envie de me répéter. Je commence donc à répondre de plus en plus souvent depuis quelques jours : « Tu m’as déjà posé cette question. Celle-là aussi, et qu’est-ce que j’ai répondu ? Voilà, je vais répondre la même chose. » Non pas que je ne désire aucunement la rassurer, c’est seulement que ce n’est pas dans mes qualités principales. En fait je suis particulièrement nulle pour être en mode, je te console pour la même affaire des jours durant. Enseigner, éduquer et passer du temps de qualité avec les enfants ça va très bien, je me trouve même excellente… Mais si j’en ai un qui angoisse, là, je gère vraiment très mal. J’ai l’impression de ne pas avoir en main les outils nécessaire pour consoler la petite chose pleine d’émotions qui se trouve devant moi, je me sens désemparée. Un enfant qui pleure, ça me coupe les moyens. Je tente de me rassurer en me disant que j’ai plein d’autres qualités et que je fais énormément de choses intéressantes avec elle le reste du temps.
Mais elle à mal au ventre, mal à la tête et ne peut pas dormir parce qu’elle stresse pour une petite intervention que moi, j’avoue, je trouve un brin ridicule. C’est rien, c’est ultra mineur. Quand même en mode culpabilité je tente de l’orienter vers des solutions logiques. Prends un livre ? Prends ta tablette, amène de la musique, des devoirs et leçons, occupe toi quoi ? Comme ça tu n’y penseras pas… Elle est septique mais elle obtempère et tente de se calmer avec mes trucs.
Le départ
Le stress étant de plus en plus présent, l’esprit tout affairé au rendez-vous qui approche, j’oublie complètement de m’occuper de mon plus jeune. Ce n’est qu’au moment du départ que j’aperçois son look de »j’ai mis mes vêtements pour faire de la peinture ». Oups ? Je cours partout pour dénicher un truc plus convenable et arrivée devant la laveuse, j’ai encore oublié la brassée dessus, pas séchée, comme 90 % du temps. Pourtant la personne qui fait le ménage me laisse toujours un gros papier sur le comptoir avec le mot sécheuse dessus, je ne sais pas si c’est parce que je n’aime pas les couleurs de crayons qu’elle choisi mais on dirait que je ne le vois juste pas. Il me semble qu’il était orange cette fois ci le mot, orange… ce n’est pas ma couleur favorite. Bref. Mon fils quitte pour l’école plein de peinture, que voulez-vous. J’ai rendez-vous à 8h30 et il est déjà 7h30, et le trajet dure environ 20 minutes… faites le calcul, pas assez de marge de manœuvre pour gérer ma paranoïa du possible retard. Obsédée par le temps, je ne sais pas dans quel état j’arriverais si je devais être à destination en retard. Go, go, go !, c’est pas mal ma phrase de prédilection.
Le trajet
Hé hop, on saute dans le véhicule. Conduire. Oui conduire. Conduire c’est comme ?… un Mario Bros que si tu tombes dans un tunnel tu es mort pour vrai. Conduire c’est trop immense. La responsabilité qui vient avec le fait de déplacer ce mastodonte de métal à travers un univers imprévisible, je ne vous dis pas. Je respecte les limites à la lettre, complètement fan du code de la route. Je tente d’effectuer le parcours le plus parfait, le plus impeccable, le plus fluide qui soit. Je ne me pardonne aucune incartade. Je désire un parcours digne d’un robot super puissant comme si milles yeux étaient braqués sur moi et que chaque détail valait des points. Je tente de tout prévoir, tout voir, tout deviner à l’avance. À la moindre erreur ou hésitation d’un véhicule près du mien je l’évite comme la peste en me méfiant de ses réactions erratiques. Je monte le volume de la musique assez haut pour faire vibrer tout l’habitacle parce que sinon, incapable de me concentrer.
Je croyais le trajet difficile, mais je n’avais pas affronté le stationnement de l’hôpital (ajoutons ici un bruit « halloweenesque », ça convient tout à fait). L’horreur. Je sens bien l’oppression de tous les véhicules impatients, et donc des humains à l’intérieur qui voudraient que je fasse plus vite, la surface restreinte, arghhh. Chaque fois que j’entraperçois un espace adéquat il y a un véhicule derrière et juste à l’idée qu’il va devoir attendre pendant que je prends le temps de m’installer ça m’est insupportable. C’est trop paniquant. Alors je laisse filer plusieurs bon choix de stationnements même si ma fille tente tant bien que mal de me transmettre quelques idées, car je suis trop sur les nerfs. Dans la toute dernière rangée je m’évertue à me faufiler dans un minuscule trou définitivement pas dédié à mon type de véhicule. Beaucoup trop serrée, coincée entre le bloc de béton et le véhicule d’à côté, je dois donc sortir par la porte arrière droite. Une fois l’extraction effectuée ma fille me dit : « Mais voyons maman, pourquoi tu m’écoutes pas, il y a une belle place juste là ! » Quoi ? Mais quelle place ? « Celle que je n’arrête pas de te montrer depuis tout à l’heure maman ! » J’étais tellement concentrée que je n’entendais rien. Elle a trop raison. Je me réinsère donc dans le véhicule par la poste arrière droite afin de changer de place durant que ma fille surveille du haut de ses trois pommes, l’emplacement parfait qu’elle m’a déniché. Trempée de la tête aux pieds, victoire ! Je suis stationnée.
L’hôpital
Le rendez-vous étant au sixième étage, normalement j’aurais choisi les escaliers mais je suis avec ma fille et je dois donc prendre l’ascenseur puisqu’elle traine un sac à main plus gros qu’elle. Le défi c’est de ne toucher à Rien avec un grand « R ». Je dois lui répéter au moins douze fois, tu ne touche à rien là, tu ne touches à rien… ok ? J’appuie sur les boutons à l’aide des jointures de mes poings au cas où il me viendrait une envie pressante de me gratter le bout du nez par la suite. Juste à l’idée du degré de contamination qu’il doit y avoir ici j’ai les oreilles qui frisent.
On arrive au comptoir et la dame s’exclame : « Oh wow c’est cute. » Je me tourne vers ma fille pour réaliser que ce n’est pas elle qui est visée, c’est moi. Je demande quoi ? « Trop cute les pois et les lignes, oui ! » Ce qui cause un léger doute quant au choix des harmonies de mon accoutrement, mais pas assez pour me faire abandonner l’idée de mettre des vêtements avec bien des pois ou des lignes. Je fais maintenant de gros efforts pour ne pas m’habiller toujours en vert de la tête aux pieds. Un jour je serai trop vieille mais comment abandonner les motifs joyeux et les coloris saturés ? Je les affectionne particulièrement…Complètement à l’écoute de cette discussion dans ma tête, je me dirige vers la salle d’attente l’esprit dans les nuages. Et hop, joie ! La première place sur le bord de la porte est libre comme je les affectionne, vite, c’est ma place. Le siège est moins doux que souhaité, mes fesses s’aperçoivent plus vite que moi de l’erreur, c’est une table. En moins de deux et rouge comme une tomate je me relève sans pouvoir retenir une exclamation : « Oh ! Mais c’est une table ? » Tout les regards se braquent sur moi, et j’entends quelques rires, ce n’est pas aujourd’hui que je pourrai passer incognito. Zut. Je profite de l’attente pour écrire ce texte.
C’est notre tour. On nous appelle et on entre dans une pièce. Mais quelle pièce ! Baignée par le soleil avec des immenses fenêtres, on est carrément abreuvé par les rayons qui nous enveloppent comme de petits pétillants brillants. Ça me rempli instantanément de joie et je sens l’angoisse s’envoler pour aller embêter quelqu’un d’autre. Je suis heureuse d’avoir cette capacité à m’émerveiller si fort des petits plaisirs de la vie. Comme la lumière par exemple, si c’est la bonne lumière, bien dosée, que c’est bon.
Départ vers le bloc opératoire, deux dames doivent nous poser une panoplie de questions. Oh joie, ma fille prends le contrôle total de la conversation, et voyant son assurance, ils cessent de demander à maman et s’adressent plutôt à mademoiselle pour finaliser l’ensemble du questionnaire. Je suis fière, je la vois appuyée, confiante et je me sens soulagée de constater à quel point elle se débrouille mieux que moi même avec un doublon d’interlocuteurs.
Retour à la salle d’attente et à ma pile de papiers quadrillés pour compléter mon écriture. C’est terminé assez rapidement et une dame vient me chercher pour me donner des nouvelles et me transmettre quelques instructions pour la suite des choses. C’est là qu’elle dit : « Et vous prenez rendez-vous avec moi dans 10 jours. » Euh, ok ? Sauf que je n’ai aucune idée de qui elle est dans le lot des personnes rencontrées. Je suis incapable de reconnaitre les visages. Il faut vraiment que je connaisse bien la personne et encore, ça dépend. Les visages trop neutres, sans traits marqués, c’est vraiment difficile. Donc elle, elle veut un rendez-vous, et moi je ne sais pas de qui il s’agit. Malaise… Elle continue son explication et je suis trop mal à l’aise pour demander à qui je m’adresse. Devant mon regard que je devine interrogatif, elle sent qu’il y a une petite réticence alors elle mentionne que tout est écrit de toute manière. Ouf, je m’en sors à merveille. Les gens n’aiment pas qu’on dise qu’on ne les reconnait pas, ça les blesse parfois. Somme toute, je m’en suis très bien sortie et le reste de la semaine s’annonce pas mal moins pire.
De retour à la maison, ma fille ne se sentant pas particulièrement bien, elle demande une soupe. J’oublie bien entendu la casserole sur la cuisinière, ce qu’elle n’a pas particulièrement apprécié. Le fait est, que comme elle se sent mal, c’est paniquant pour moi, donc on dirait que je ne fais que des stupidités. Ne trouvant pas la louche et voulant trop me presser, je décide en étant fière de mon idée, d’utiliser une tasse à mesurer pour passer la soupe bouillante du chaudron au bol. Détail à noter, je n’ai pas pensé retirer mon pouce à l’intérieur du bol avant. Verser d’une tasse à mesurer, ça coule plus vite que d’une louche. Donc mon pouce va me bouder pour un temps, mais il y a pire dans la vie j’imagine…