Pas d’amélioration, je panique toujours autant.
Je suis déstructurée et triste, car je suis allé chez le dentiste. C’est d’ailleurs cet événement, une simple visite du genre, qui m’a poussée à écrire. Voir l’article : Comment traverser un ouragan la tête dans une casserole. Il faut comprendre qu’il s’agit d’accepter là un contact continu dans cette bulle si fermée, et ce, durant une période prolongée. C’est céder à briser mes barrières, me sentir dans une position de vulnérabilité extrême, envahie, maintenue dans cet état et acquiescer à recevoir cette attaque. C’est d’avoir conscience que mes larmes qui coulent me ridiculisent et portent atteinte à ma crédibilité parce que la personne qui fait simplement son travail ne peut pas entrevoir ne serait-ce qu’une infime partie de ce que je vis sur cette chaise. L’hyperacousie amplifie l’expérience en ajoutant la sensation de me faire charcuter le crâne. Je suis morcelée et tranchée en petites parcelles éparpillées. J’en ressors vidée, complètement épuisée, autant physiquement d’avoir serré mes poings si forts que moralement d’avoir agit à l’encontre de mes besoins profonds, soit maintenir mon intégrité physique en acceptant des contacts qu’avec quelques personnes triées sur le volet.
Je retourne chez moi déboussolée. Éparse. Déconstruite. J’ai besoin de rapatrier ma chair et ma tête, de retrouver mes pièces de corps que j’ai l’impression d’avoir échappé sur l’autoroute de la panique. Mais pas tout de suite, j’ai des tâches, je suis une maman et je dois, comme une automate pour aujourd’hui, répondre aux besoins divers. J’avance donc mécaniquement pour effectuer les obligations essentielles. Je reporte mon ressenti. Plus tard, je n’ai pas le temps, plus tard, plus tard… je m’occuperai de ma peine.
Lorsqu’il ne reste que deux heures avant mon heure de dodo, j’annonce à tous que j’ai besoin d’écouter de la musique. Fort. Et seule. Je m’installe avec mon énorme casque d’écoute. Première chanson, on m’interrompt. Retirer le son qui me nourrit est comparable à couper l’air au scaphandrier. Une fois, deux fois, trois fois, je n’arriverai pas ce soir à me recentrer, je demeure toute désalignée et je me couche dans cet état. Je passe la nuit à chercher mes morceaux de carcasse et je rêve sans cesse que je ne suis qu’un casse-tête éclaté. Boire de l’eau me demande un effort énorme, j’ai de la difficulté à simplement évaluer comment on doit faire pour avaler et tout est distordu, car ma nuit est un long état de semi-conscience dans lequel j’ai l’impression de perdre l’accès à mon âme.
Je me lève plus épuisée que la veille et mon conjoint choisit cet instant pour me parler d’un fichier Excell qui me tracasse et le tracasse aussi (lire grosse tâche qu’on n’a pas envie d’effectuer). Mais je suis sur la défensive, très inconfortable et non disponible. Il a aussi mal dormi, car j’ai probablement gigoté dans tous les sens et j’ai dû l’empêcher de se reposer. Il réclame donc que je l’écoute, mais moi je n’y arrive simplement pas. C’est impossible, je surchauffe, plus de son plus d’images. Je nomme mon problème. Chéri, je ne suis pas disponible, je ne me sens pas bien, mais sa fatigue l’empêche d’être réceptif et il continue comme ça, sans cesse dans son sujet qu’il juge essentiel de régler à l’instant. Il insiste, et plus il insiste, plus je panique. Je suis consciente que ce n’est pas raisonnable, il ne s’attaque pas à mes valeurs profondes, il ne m’insulte jamais, il me respecte, mais là, son sale fichier Excell, je ne suis juste pas capable de me concentrer pour lui proposer une solution.
Puis à a coup, c’est l’éclatement. Ça commence avec un espèce de mmmrrmmrrmm de panique en me bouchant les oreilles, ce qu’il ne peut pas voir tout de suite, car il est à la salle de bain et je commence à chercher mon air, mais vraiment. On m’a coupé l’alimentation, c’est la crise. J’ai une énorme difficulté à respirer, je me précipite dans ma chambre et je termine en petite boule très serrée qui ne veut plus s’ouvrir. Toute compressée contre moi dans une coquille de douleur. Les neurotypiques, la plupart d’entre eux, lorsqu’ils vivent un grand inconfort, ils se fâchent, protestent, s’affirment et tempêtent, mais moi je ne vois rien venir, ça me détruit, je m’écroule et je n’ai plus accès ni à ma logique ni à ma volonté. C’est ce qu’on appelle un effondrement émotionnel, un meltdown autistique. Ça a pris beaucoup de temps avant que j’arrive à lâcher mes jambes et à me dérouler de cette position fœtale qui me procurait une simili protection. Mon conjoint m’a prise dans ses bras et m’a serré très fort d’une énorme compression en frottant aussi, de manière assez intense mon dos, jusqu’à ce que je retrouve un semblant de souffle normal, chose que personne d’autre n’aurait pu me faire, ni mes amis, je crois, ni personne… Ça m’a permise d’arriver à retrouver un semblant de contrôle. Mais toute la journée, j’ai eu des gros hoquets de panique, comme lorsqu’on se réveille en sursaut. Comme une peur, un épuisement. Un arrière-goût de la crise.
Revenir au calme.
Puis ce soir là, j’ai pris le temps pour de la musique, pour vrai de vrai. Je n’arrive pas à méditer, c’est impossible pour l’instant, mais de me concentrer sur les subtilités de la mélodie, de tous les petits sons cachés, de l’émotion de l’interprète, ça me reconnecte; j’arrive à me réapproprier mon corps en quelque sorte. C’est tout de même lui, ce corps, qui me donne accès à ce monde musical magique. Mes oreilles qui m’ont donné tant de mal la veille m’offrent ce doux cadeau pour se faire pardonner. Ensuite je suis mieux. Fragile et sensible pour quelques jours, mais ça… ça, c’est moi.
La leçon. En surcharge, il faut prendre le temps même si on ne l’a pas. Sinon c’est pire. Comme je dis souvent à ma fille, prends ton temps, ça va aller plus vite.